CRASH du BLENHEIM IV L 9314 A PRUNIERES

Le 18 juin 1940

HISTORIQUE

Paris est occupé depuis quatre jours et les troupes allemandes qui foncent vers l’intérieur du pays et arrivent en bordure du département de l’Allier. L’armée française, désorganisée et démoralisée n’a pu, n’a su faire face aux assauts combinés de la wehrmacht, des divisions Panzers et de la Luftwaffe. Le chaos le plus total règne désormais sur les routes de France encombrées d’infinies colonnes de réfugiés auxquelles se mêlent de ci delà des soldats hébétés à la recherche de leurs unités.

Les Britanniques quant à eux ont déjà évacués et rapatriés la majeure partie de leur troupe expéditionnaire grâce notamment au succès de l’opération Dynamo qui vient de se dérouler…. A Dunkerque. Mais comme le déclara si justement Winston Churchill, le 4 juin à la chambre des communes : «  Les guerres ne sont pas gagnées grâce à des évacuations »

Et la Grande Bretagne va devoir penser à se donner les moyens de continuer seule la lute contre l’Allemagne Nazie. la Royal Air Force  et en particulier les appareils du fighter Command de Dowding qui en Europe mettront fin à la Blitzkrieg en stoppant net l’avance Allemande devant les faiblesses de Douvres. Mais le combat se poursuit aussi à partir des pays du Commonwealth et s’étend rapidement au reste du monde.

Le 10juin, l’Italie entrait en guerre aux côtés de l’Allemagne. Pour la marine Britannique, La Navy, cela signifiait qu’il serait désormais impossible de ravitailler et d’apporter des renforts aux Tommies basés en Orient. Malte, membre du Commonwealth se trouve en grand danger, l’Armée va devoir faire face à 250 000 soldats Italiens en Lybie et à 350 000 autres en Afrique Orientale.

L’Air Chief Marshal Longmore, commandant  en chef de l’aviation stationnée ou opérant au Moyen Orient     (Le Moyen Orient regroupe L’Egypte, le Soudan, la Palestine, la Transjordanie, L’Afrique Orientale, Aden, la Somalie, l’Irak et les territoires adjacents, Chypre, la Turquie, les Balkans, la Méditerranée, la Mer Rouge et le Golfe Persique) avait, début juin, en tout et pour tout à sa disposition 29 Squadrons qui la plupart étaient composés d’appareils obsolètes de divers types.

Heureusement, Longmore avait prévu une telle situation et avait monté un stock de matériel de réserve (Principalement du carburant, des explosifs, des pièces détachées et des appareils) afin de pouvoir « Voir Venir » pendant environ 90 jours. Ceci, sur le papier bien entendu, car en réalité gérer une multitude de types d’appareils, qui plus est, sont complètement dépassés, relevait de la gageure. Il devint alors primordial d’obtenir rapidement du renfort de matériel neuf et performant. A Londres, l’appel avait été entendu et l’on s’efforçait de trouver un moyen d’y répondre dans les plus brefs délais. Plusieurs dizaines d’avions, des chasseurs Hawker Hurricane et des bombardiers Moyens Bristol Blenheim allaient être envoyées au Moyen Orient.

En ce matin du 18 juin 1940, sur le terrain d’Anton Down dans le Gloucestershire, dans la base de la  20ème unité de maintenance, le personnel au sol s’affairait sur les Blenheim IV  flamboyants neufs destinés à être envoyés au Moyen Orient, en attendant les équipages du 4 Ferry Pilot Pool qui assistaient à leur briefing. Le rapport météo était des plus inquiétants et le voyage s’annonçait pénible. Les appareils allaient devoir survoler la France en évitant les zones de combat et en espérant ne pas rencontrer des chasseurs allemands isolés.

Ce jour là, l’ennemi ne viendrait pas d’Outre Rhin mais plutôt des conditions climatiques au dessus de la France. En effet, après avoir effectué plusieurs heures de vol dans un épais brouillard, un premier Blenheim s’écrasait mystérieusement à Charroux dans la Vienne, tuant tout son équipage, suivi quelques minutes plus tard d’un second appareil tombé à Hiesse en Charente. Poursuivant maintenant leur itinéraire en empruntant un cap Sud – Sud –Est, les Blenheim survolent la Haute Vienne, la Corrèze, le Cantal où un troisième bimoteur se crashait dans les mêmes conditions  à la Védrines Saint Loup , puis en Lozère où un quatrième et dernier avion devait connaître un triste sort au dessus du village de Prunières.

Jusqu’ici les lozériens avaient eu la chance de voir leur département épargné par les combats car situé loin du front  et rien ne laissait supposer aux habitants de Pruniéres que leur charmante commune allait être en ce 18 juin le lieu d’un événement tragique.

Il était environ 10 heures 30 quand le bruit d’un appareil se fit soudain entendre au-dessus du paisible village. Les quelques personnes dehors levèrent les yeux à la recherche de l’appareil dissimulé par l’épais brouillard, quand apparut enfin la silhouette du bimoteur. Quelques chose n’allait pas abord, un des moteurs émettait un bruit étrange. L’avion semblait tourner en rond quand tout à coup, une des hélices tripales se détacha et tomba en tournoyant dans un  champ voisin. Le pilote Officier D.R Johnston  réussit à garder le contrôle du Blenheim  L 9314, mais il devenait urgent de se poser. Apercevant le village de Prunières et les champs alentours, il abaissa le train d’atterrissage et les volets et se dirigea sur le premier champ en bordure du chemin venant d’Apcher. Cette tentative venant d’échouer, le P/O Johnston  était conscient qu’il ne pourrait pas tenter une autre approche. Les roues heurtèrent le sol dés la limite du pré, évitant de justesse un poteau électrique placé en plein centre du champ, l’appareil se dirigeait à vive allure vers un mur se soutènement d’un mètre de haut. Pétrifié d’horreur le pilote se rendit soudain compte de son erreur, mais il était trop tard. Le Blenheim s’écrasait contre le mur. La population accourut immédiatement sur les lieux afin de porter secours aux malheureux membres de l’équipage prisonniers des tôles déchiquetées. Le pilote, le P/O Douglas Ronald Johnston et le mitrailleur, le LAC William Harry Higgins avaient été tués sur le coup. Quand au radio, le Sergent Walker était grièvement blessé et fut transporté à l’hôpital militaire  de Mende  à 18 heures après avoir pu converser avec mademoiselle Gras, institutrice au Malzieu Ville, seule personne dans la région parlant anglais. Malheureusement,  le Sergent Walker devait à son tour succomber de ses blessures à Mende quelques heures plus tard alors que le message du Général De Gaulle (Appel du 18 juin 1940) diffusé à la BBC venait de retentir les ondes. Gardée tout d’abord par la brigade de gendarmerie du Malzieu Ville, l’épave du Blenheim IV fut finalement abandonnée le 21 juin après que les armes et les munitions aient été retirées, et fit pendant l’occupation le bonheur de la population locale qui recycla une partie de l’avion en ustensiles de toutes sortes devenus rares à se procurer en ces jours sombres de notre histoire.

Les corps des membres de l’équipage reposent aujourd’hui au cimetière de Mazargues à Marseille depuis 1952.

Claude GRIMAUD